L’architecture (2)

Quels sont, dans le domaine de l’architecture, les critères valables, essentiels, et comment les faire valoir de nouveau ? Pourquoi les avons-nous perdus ?
Si nous voulons comprendre comment l’approche que l’on avait de cet art dans le passé a graduellement cédé la place à une nouvelle approche tout autre, moderne, nous devons d’abord comprendre à travers quel regard l’homme du passé voyait le monde, l’existence. L’homme moderne ne peut, en ce sens, absolument pas comprendre la vision qui était celle des humains jusqu’au début du 19ème siècle, il y a 200 ans environ.

Jusque-là, pour l’être humain, son existence terrestre était avant tout l’affaire de Dieu, une affaire essentiellement religieuse, spirituelle. Pour nous, humains du 21ème siècle, même pour ceux qui croient encore en Dieu, ce n’est plus le cas. A l’heure actuelle, l’existence est en premier lieu une affaire d’ordre physique, matériel. Avant même de concevoir des enfants, la majorité des êtres humains pensent, ou du moins espèrent, pouvoir leur assurer de bonnes conditions de vie sur le plan matériel, une éducation convenable et combler un certain nombre de leurs désirs, etc. Et dans le monde des adultes, on vise avant tout à trouver un travail correctement, voire même bien rémunéré, sans compter la maison, les voitures, les loisirs…
Notre existence tourne autour de la matière, ce qui n’était pas le cas jusqu’à l’avant dernier siècle. Certes il y avait des riches et des pauvres, lesquels auraient également préféré être plutôt fortunés que démunis, mais ceci étant, à la base et au plus profond de chacun, l’existence reposait pour tout le monde sur autre chose. Cela n’était pas forcément dit, peut-être justement parce que c’était un fait, une donnée de base pour tous. La vérité, c’est qu’à la base de la vie se trouvait tout simplement le rapport entre l’homme et Dieu. La Terre nous était fournie par Dieu, on y vivait chez Lui et on n’avait pas le droit d’y faire n’importe quoi ; ainsi n’étions-nous, en ce sens, jamais totalement libres. Les bandits de grand chemin eux-mêmes n’étaient jamais complètement dépourvus d’un ‘saint remords’… et tout cela a disparu de ce monde tandis que se développait une vision naturaliste, scientifique et matérialiste de la vie. Depuis 200 ans, le monde, l’existence n’est plus un don de Dieu. Les facultés intellectuelles ont remplacé l’intelligence intuitive du cœur. A l’heure actuelle, n’a de réalité que ce qui est mesurable, tangible et à quoi on peut donner une estimation marchande, une valeur pécuniaire.
Tout ce qui vient d’être dit concerne également un domaine comme celui de l’architecture. Là aussi on a graduellement remplacé l’approche intuitive par une démarche fondée sur le mesurable, le pondérable, le prix du marché. Pour l’homme de jadis il aurait été impensable de construire quoi que ce soit sur la base de nos critères modernes.
Actuellement, si quelqu’un souhaite vendre un terrain et que celui-ci jouxte un village ou une ville, il peut obtenir un permis de construire et le marché est conclu ; l’acheteur peut alors y construire une maison. Personne n’aurait tenu ce raisonnement dans le passé, et au fond…personne ne raisonnait. Construire était une affaire d’intuition, de ressenti basé sur un savoir ancestral, et en cas de doute on pouvait même consulter ceux qui « savaient ». Et que savaient-ils ? Ces personnes sentaient où l’on pouvait construire et quels endroits éviter. Il s’agissait souvent de courants souterrains, une affaire de vibration ; ou bien le lieu en question était la cible de certains vents à des moments précis de l’année, ou encore son exposition au soleil n’était pas idéale ; les raisons à soupeser étaient multiples mais une chose était sûre : toutes étaient véridiques et valables.

Comment pouvons-nous retrouver une meilleure façon d’aborder cette question, et est-ce que cela serait utile, important ? Oui, cela est important parce que l’homme moderne dérange beaucoup l’ordre naturel des choses. Il dérange parce qu’il ne sent plus où il peut construire et où il vaut mieux éviter de le faire, au risque de créer des blocages, des obstacles dans le courant énergétique qui anime la matière, la Terre. C’est peut-être là ce que nous devons changer en premier lieu, à savoir notre perception de la matière. Même si nous ne pouvons pas acquérir immédiatement la même réceptivité, la même sensibilité que celle de nos ancêtres, cela nous permettra de commencer à réfléchir au fait que la Terre est vivante, que la matière n’est pas morte… et non seulement accepter cette idée, mais tâcher de la mettre en pratique au quotidien, dans notre démarche, dans nos gestes, dans notre attitude. Acquérir ce savoir intuitif, que l’homme possédait encore naturellement dans le passé, commence pour l’homme moderne par un changement d’attitude à l’égard de la matière. Pourquoi ne pas être reconnaissant pour tout ce que la Terre nous fournit, tous les jours de nouveau : la nourriture, les vêtements, le logement, un véhicule, ou notre corps physique ! Les occasions ne manquent pas, et même si cela semble simpliste, sans importance, il s’agit là de la condition sine qua non, incontournable qui soit en mesure de nous ouvrir à nouveau la porte sur une autre perception de la construction. Car non seulement le bâtiment moderne dérange l’ordre naturel des choses, mais il dérange aussi l’homme, l’être qui est censé habiter ou travailler dans ces murs. Les constructions modernes sont à 90% basées sur des conceptions erronées, elles sont mal placées et sont construites avec des matériaux dont le choix est peu soucieux de la santé de l’homme, et au pire carrément malsain. Que nous ayons ‘survécu’ jusqu’ici ne change rien à ce fait.

Mother
(à suivre)