
La sculpture (2)
La sculpture est la discipline artistique qui, de pair avec la musique, est la plus étroitement liée à la puissance de la magie. Qu’est-ce que cela veut dire ? La magie sous-entend le pouvoir d’influencer, d’agir directement sur les pensées et les sentiments d’autres créatures. Cette action magique peut ensuite s’avérer soit bénéfique, et on l’appelle magie blanche, soit nocive, maléfique, et on l’appelle magie noire. Il ne s’agit pas là d’un métier ou d’une spécialité quelconque, comme cela a été le cas dans le passé chez les magiciens et les sorciers, quand ces personnes exerçaient volontairement, intentionnellement leur emprise sur d’autres individus, parfois dans le bon sens, mais le plus souvent avec des intentions beaucoup moins bienveillantes. Ce qui a d’ailleurs rendu très douteux le mot ’magique’ à l’oreille de beaucoup d’individus. Celui-ci évoque très souvent quelque chose de peu clair, voire de criminel, car c’est bien ce genre de choses qui se sont effectivement passées dans l’ancien temps. Pourtant, en principe, il s’agit tout simplement d’une influence, sans plus. Avoir de l’influence, c’est à quoi s’occupe tout un chacun, par le biais, de l’habillement, du maquillage, d’une apparence soignée, séduisante, d’une belle voiture ou encore à travers la publicité, les images les slogans, etc. Nous sommes, sans nous en apercevoir, quotidiennement entourés de ‘messages’ en tous genres, destinés à nous attirer, à nous influencer, et très souvent, cela marche. Car, si ce n’était pas le cas, personne ne se donnerait la peine de nous les envoyer !
On peut donc dire que le phénomène de l’influence, sur lequel se fonde la magie, est une affaire quotidienne dont se servent toutes les créatures, même les animaux, les plantes et les pierres précieuses. Pour se faire remarquer, pour attirer l’attention de l’autre ou l’amener dans la direction voulue, il existe tout un monde de couleurs, de phénomènes étincelants, brillants, de sons, de gestes, de formes mis à la disposition de tout un chacun, jour après jour. La sculpture se sert également de ce monde de formes multiples pour exprimer ce qu’elle cherche à montrer, et la question est : « Que cherche-t-elle à exprimer, à montrer ? »
Nous constatons ici que, tout au long de l’histoire, la sculpture n’a cessé de nous ‘parler’ dans un langage symbolique qui a suivi de près l’évolution humaine. Les toute premières sculptures montraient le plus souvent des figurines humaines ou animales dans un cadre sacré, ou purement humain. La forme humaine ‘améliorée’ pouvait ainsi servir à représenter les Divinités, ou toutes sortes d’esprits de haut rang, divinisés. Cette même forme, pouvait aussi incarner un individu de mérite, ou être sculptée à la mémoire de quelqu’un que l’on aurait voulu ne pas oublier. Les formes animales pouvaient également apparaître comme étant en lien avec certaines Divinités, ou concerner tout simplement des animaux sacrés. L’animal pouvait également avoir un rapport avec la chasse, et faire ainsi le lien entre l’homme et ce que celui-ci recherchait dans cette activité.
La sculpture en tant qu’art sans lien avec le côté sacré de la vie, sans but élevé, et même sans but précis, n’est apparue que très tardivement dans l’histoire humaine. C’est une des disciplines artistiques qui est restée le plus longtemps fidèle à son idée d’origine, à savoir exprimer, mettre en lumière tel individu, tel animal ou telle forme ou idée concrète, sans faire intervenir un aspect fantastique, hasardeux ou même irréel dans son exécution. La sculpture est restée jusqu’ici hautement fidèle à ses intentions qui datent de son apparition sur Terre : mettre en forme une idée sous-jacente de manière claire, concrète, directe. Là où d’autres disciplines artistiques pouvaient jouer avec les subtilités du flou, comme c’est le cas pour l’Impressionnisme, dans la peinture, ou le côté éthéré dans le Romantisme, pour la musique, ou encore le théâtre ‘sur le vif ’, sans scénario, la sculpture étant restée, à un haut degré et très longtemps égale à elle-même, en ce sens qu’elle sculpte des formes réelles, un point c’est tout ! Bien sûr, certains artistes ont essayé là aussi d’introduire de nouveaux courants, comme l’emploi de l’acier ou du métal, ou à travers la technique du ‘jet au hasard’ en projetant de l’argile ou du béton à la volée devant soi. Mais la sculpture ne semblait pas, de manière générale, être ouverte à ce genre de courants ou d’idées. Elle paraissait avoir du mal à supporter le contact avec (trop) d’autres matériaux et de plus, le geste au hasard ne lui convenait pas vraiment. Quant aux idées floues, elles avaient du mal à s’exprimer dans cette discipline. C’est ainsi que la sculpture est restée égale à elle-même ; elle nous met face à une réalité visible, concrète et a besoin pour cela d’une idée claire, précise. La question est donc : « Est-ce qu’au niveau de l’idée, la sculpture a changé au fil du temps ? Les intentions du sculpteur du passé étaient-elles les mêmes que celles du sculpteur moderne ? Ou y a-t-il malgré tout un développement, une évolution à constater à ce niveau-là ? »
Mother
(à suivre)