Le rôle de la musique (4)

La musique ne pourra trouver ou retrouver son véritable rôle, sa vocation qu’à partir du moment où elle sera clairement dissociée de l’idée de gain, de profit matériel ou financier. Engloutie dans le matérialisme, elle ne peut pas être édifiante pour l’homme et l’amener vers des niveaux plus subtils de l’existence, vers le haut. Une musique de pure distraction pourrait encore à la limite subsister dans ce genre de compromis, mais ce serait déjà moins évident pour une musique artistique et plus du tout pour une musique spirituelle. Cela ne veut pas dire que ceux qui produisent ce genre de musique n’ont pas le droit de vivre de leur art. Mais entre vivre raisonnablement de son art et en faire un produit commercial qui vise avant tout le bénéfice financier, il y a une marge.

Pour qu’elle puisse jouer son rôle correctement, pleinement, il est donc impératif de soustraire la musique à la recherche du pur et simple profit commercial, et d’en faire avant tout une activité esthétique, une affaire d’art. On pourra ensuite, selon ses dispositions d’esprit, donner, ou ne pas donner à cette musique un but spirituel. Mais le plus important est de fonder le monde de la musique sur des critères de beauté et d’harmonie comme le faisaient les compositeurs dont les créations datent d’avant l’époque moderne. Mais comment s’y prendre à notre époque qui n’a apparemment pas grand chose à voir avec ce genre d’approche? Il faut bien admettre en effet que le courant qui semble s’être emparé du monde entier n’a absolument rien d’une démarche artistique, esthétique, harmonieuse; aussi devient-il nécessaire d’avoir recours dans un premier temps à un ensemble de démarches purement individuelles, puis de trouver le chemin sur lequel regrouper les individus concernés, dans le but de créer un champ de force plus vaste qui finira un jour par toucher la société tout entière.

Cette démarche individuelle consiste à trouver pour chaque artiste, pour chaque individu qui se sent appelé une voie de développement musical personnel et professionnel lui permettant de concrétiser son idéal de beauté et d’harmonie. Cette démarche peut rester très modeste ou prendre plus d’envergure et s’exercer à un ou plusieurs niveaux. Le premier niveau sera caractérisé par le fait de chercher, en tant qu’artiste, à ne jouer que des morceaux qui puissent en toute honnêteté être qualifiés d’esthétiques, d’harmonieux, et de s’abstenir de toute forme de musique désordonnée, chaotique, particulièrement sombre ou purement et simplement bruyante. Cela exigera du discernement, mais le simple fait d’observer ce qu’une musique produit sur soi comme effet pourra déjà aider et soutenir cette recherche.

Le degré suivant de cette démarche pourra consister à veiller, en tant qu’artiste ou musicien, à avoir un mode de vie édifiant de façon à devenir un modèle pour son public et à lui transmette des énergies harmonieuses à l’occasion d’activités musicales. On pourrait penser ici à travailler sur des défauts comme la nonchalance, le désordre, la critique, la médisance, le mensonge, l’arrogance ou l’avidité. Et pour aller encore plus loin, il serait envisageable d’entreprendre une démarche spirituelle, de se mettre en quête de Dieu, de son Moi ou de son âme, avec ou sans l’aide d’un guide, dans le but de devenir un jour le canal d’une inspiration encore plus élevée, et de contribuer ainsi au progrès de toute l’humanité.

Mother