Le théâtre (3)

Si on parle du théâtre de l’avenir, de quoi parle-t-on précisément ? Le théâtre de l’avenir s’occupera en premier lieu du profil intérieur des acteurs, et en deuxième lieu de scénarios édifiants, contrairement à ce qui est actuellement souvent le cas. Le profil intérieur d’un acteur ou d’une actrice concerne sa façon d’être, ses aspirations les plus profondes, son caractère et son comportement. Souvent ces choses restent cachées, sont inconnues ou carrément falsifiées. L’acteur qui veut réussir à tout prix pense à son image. Il doit plaire à son public, faire plaisir, et être beau, attirant, ou du moins « intéressant », et cela compte autant pour les acteurs que pour les actrices. Cela veut dire que la majorité des acteurs doivent sous une forme ou une autre « mentir », soigner artificiellement les apparences, jouer un autre personnage qu’ils ne sont réellement, ou cacher certains aspects de leur vie ou vérités sur eux-mêmes qui ne plairont pas à leurs admirateurs. Dans ce sens, l’acteur ou l’actrice porte une projection collective à laquelle il ou elle doit obéir s’il veut être populaire. Cette projection peut différer selon les époques et les acteurs qui sont en vogue à un moment donné, mais elle est très réelle, et tout acteur le sait, consciemment ou inconsciemment. La difficulté est que cela crée déjà à la base une situation biaisée parce que si on joue déjà un rôle dans sa vie privée, comment faire une fois qu’on est sur scène ? Cela veut dire que le monde actuel pousse d’office les acteurs vers la périphérie de leur être, vu qu’ils doivent jouer des rôles sur scène et en dehors. Spirituellement la conséquence est que ces individus sont souvent très déséquilibrés, ce à quoi ils essaient de remédier par des moyens qui, la plupart du temps, ne font qu’aggraver leur situation. Heureusement que ces derniers 10 à 15 ans, de plus en plus d’acteurs et d’actrices de la nouvelle génération refusent d’entrer dans cet engrenage et revendiquent plus d’authenticité, plus de véracité. Cela marche en partie et on constate une amélioration dans ce sens, parce que dans le même temps, une partie grandissante du public réclame cette authenticité et ne croit plus au mensonge. Cependant une partie de la difficulté subsiste car il faut malgré tout plaire et attirer du monde, ce qui crée en même temps une nouvelle approche qui ne change au fond pas grand-chose : c’est ainsi que les acteurs sont obligés de jouer l’homme (ou la femme) écolo, bio, politiquement engagé, pour ou contre ceci ou cela, même si ce n’est pas tout à fait le cas… Ce qui veut dire que leur image exige toujours plus qu’ils ne sont en réalité, à quelques exceptions près. Mais une brèche semble avoir été créée à l’intérieur du problème, et on avance, le mieux possible. Où est malgré tout la solution ? Est-ce que le public devrait changer son opinion et demander un autre genre de personnes, plus véridiques ? Ou est-ce que l’image devrait changer et s’approcher plus de la réalité ? Ou est-ce que les acteurs devraient refuser de jouer le jeu ? Au fond, la solution se trouve avant tout à l’intérieur des acteurs et actrices eux-mêmes, qui devraient tout d’abord essayer de créer des liens plus forts avec leur propre âme. Car c’est cela la difficulté et en même temps la solution. En lien avec leur âme, ils seront naturellement vrais et sauront en même temps correctement répondre à ce que cherche la conscience collective, le public, sans trahir leur vérité profonde. Cela réclamera peut-être encore un certain temps, mais la voie s’ouvre graduellement.

En ce qui concerne les scénarios, là aussi une autre approche est demandée. Ici également l’adaptation au goût du grand public devrait se changer en une forme d’éducation ou d’éclaircissement de la conscience collective. Actuellement les scénarios utilisés dans le domaine du théâtre ou du cinéma, sont soit entourés de « rose », à l’image du romantisme ou de l’illusion, soit entourés d’un réalisme dégradant qui n’arrange personne non plus. Oscillant ainsi entre une irréalité qui n’aide personne et une forme de réalité qui nourrit chez le spectateur la curiosité pour tout ce qui est déformé ou malsain, il ne semble pas exister d’approche qui soit à la fois plus véridique et quand même plus saine. Le but est d’évoluer vers un théâtre ou un cinéma qui puisse instruire le public, l’amener plus loin dans la compréhension de lui-même et de la vie, sans pourtant être obligé de descendre dans les égouts, pour ainsi dire. Cela demande un nouveau regard sur l’être humain et sa raison d’exister dans le monde, qu’il s’agisse de l’homme moderne ou de la vie d’hommes du passé. Car la vie terrestre a toujours servi l’évolution de la race humaine, de tous temps, et c’est comme ça qu’elle doit être observée, analysée. C’est ce regard qu’il nous faudra pour comprendre ou écrire de nouveaux scénarios, basés sur la vie des individus, sur l’histoire, sur les événements passés. Pourquoi les choses se passent ou se sont passées de telle ou telle façon ? Pourquoi le destin d’un individu a pris telle ou telle direction ? Pourquoi le monde actuel est devenu tel qu’il est ? Des réponses bien plus profondes et des recherches bien plus vastes ou élaborées sont nécessaires pour pouvoir répondre à ce genre de questionnement.

C’est cela qu’on attend des acteurs, écrivains et metteurs en scène de l’avenir : plus de profondeur. Cette profondeur, obtenue à travers la méditation, un intérêt sérieux pour le monde spirituel et la réalité de l’âme, est exigée de tous ceux qui travailleront dans le domaine artistique. Ce n’est que de cette façon qu’un avenir prometteur pourra naître, où le public sera traité comme un ensemble d’âmes qui cherchent à comprendre, à s’élever, au lieu de se distraire et de finir par tâtonner dans le noir dans la vie de tous les jours.
Le théâtre, le cinéma ont une véritable mission à accomplir.

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